Cinquante ans en l'an deux mille. Ce mi-siècle compté rond, j'en ai fait un kaléidoscope, bris d'images prises à toutes heures de vies multiples, à l'exil de pays familiers, dans la pénombre la plupart du temps.

Je suis photographe : mon regard est fractionné. J'ai voyagé plus de vingt ans pour saisir la vérité nouée dans l'acte de naissance et la lumière secrète de l'intimité. Tout est là, la mémoire de l'oeil pour fixer tout le reste. On pourrait dire que c'est folie, si la folie était de se voir ainsi dans une totalité éparse, une somme d'éclats.

On dit que je suis une tête brûlée, une grande gueule. Pourtant, je suis debout de mille fragilités, infimes et frissonnantes. Je règle mes comptes, comme on dit. Je tiens à faire entendre le labyrinthe où la destinée s'oriente par déduction. Il est cadencé de miroirs. Si je devais faire mon autoportrait, il serait cubiste. C'est pour cela que je suis photographe : pour fixer l'apparence concrète de l'indicible…

Paris, décembre 2000